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Aspects Juridiques de la Restructuration des Entreprises au Japon : La Reduction D’Effectif

14/12/2010

Article concernant la réduction d’effectif paru dans la Lettre Mensuelle, Points juridiques, Juillet 2009, CCIFJ, Tokyo, Japon 

La crise financière aux Etats-Unis, déclenchant la récession de l’économie mondiale actuelle, a sérieusement dégradé la situation de nombreuses sociétés, domestiques comme internationales. Aussi ces sociétés sont-elles contraintes, face à la nouvelle conjoncture, de restructurer leurs activités et de procéder à des réductions d’effectifs.

Afin de survivre, les sociétés domestiques engagent des procédures de « réhabilitation civile » (« Minji Saisei ») ou de « réorgnaisation des sociétés » (« Kaisha Kosei »), prévues par les lois en vigueur. En effet, la récession est telle que la mise en oeuvre de ces procédures n’a plus, en termes d’image et de réputation, l’impact négatif qui la caractérisait auparavant. Les sociétés privilégient souvent par ailleurs le recours à la procédure de sauvegarde (pratique empruntée au système du Debtor In Possession de droit américain, « DIP ») qui, assurant un dénouement plus rapide, permet surtout à leurs responsables de demeurer en poste. A cet égard, il faut rappeler que récemment, le Tribunal de Grande Instance de Tokyo a commencé à permettre l’application du système de DIP dans le cadre de la procédure de réorganisation des sociétés.

Les sociétés étrangères quant à elles, choisissent souvent d’autres voies. En effet, les PME étrangères préfèrent souvent procéder à une liquidation volontaire (« Seisan », non soumise au contrôle judiciaire) de leurs filiales japonaises – dont elles sont souvent l’unique actionnaire. Au demeurant, lorsque l’actif apparaît manifestement insuffisant pour honorer le passif ou que commence à poindre un doute quant à sa solvabilité, la société a l’obligation de convertir sa liquidation volontaire en procédure de faillite (« Hasan ») ou de liquidation spéciale (« Tokubetsu Seisan »), soumises au contrôle judiciaire.

Changer de statut

A l’exception d’un retrait complet du Japon, une société peut envisager de changer de statut, de celui de K.K (« Kabushiki Kaisha ») par exemple, en bureau de représentation ou en succursale, ce qui implique juridiquement de liquider la K.K, et d’établir un bureau de représentation ou une succursale.

Ce processus comporte cependant les inconvénients suivants :

– les sociétés étrangères, pour pouvoir faire durablement des transactions commerciales au Japon, doivent disposer au moins d’un représentant résidant au Japon et être immatriculées au registre du commerce (articles 817 et 818 de la Loi sur les Sociétés – « Kaisha Ho ») ;

– les nouvelles entités doivent parfois demander à nouveau auprès des autorités japonaises les autorisations ou permis qui avaient été précédemment octroyés à la K.K;

– il existe un risque de réputation, les anciens partenaires pouvant être moins disposés à travailler avec l’entité nouvellement créée.

Il s’agira en somme, afin d’éviter ces écueils, de recueillir les conseils d’un expert.

Il s’agit par ailleurs de considérer avec attention la question du statut des employés. La liquidation de l’entreprise apparaît en effet comme un motif légitime de licenciement. Cependant, si le Tribunal juge qu’il s’agit uniquement d’un prétexte pour licencier, il pourrait se prononcer en faveur des employés.

Licenciement

En effet, les mesures de licenciement doivent reposer sur des fondements objectivement raisonnables (Article 16 de la Loi sur le contrat de travail – « Rodo Keyaku Ho ») et tenir compte des critères jurisprudentiels suivants :

1. La réduction du nombre d’employés doit être nécessaire ;

2. La société doit s’efforcer d’éviter de licencier ;

3. La sélection des personnes appelées à faire l’objet de mesures de licenciement doit correspondre à des critères raisonnables et objectifs ;

4. La procédure de licenciement doit être adéquate

(cf. par exemple, la décision du 29.10.1979 de la Cour d’Appel de Tokyo).

Ainsi, s’il s’agit seulement de réduire les effectifs et de continuer à faire des transactions au Japon, il est préférable d’éviter la mise en oeuvre de mesures draconiennes. Les difficultés occasionnées sont généralement supérieures aux avantages escomptés.

Aussi, si l’on souhaite réduire les effectifs d’une K.K, peut-on raisonner comme suit :

Étapes intermédiaires

On pense souvent que les licenciements sont la seule manière de réduire les coûts. Cependant, comme en France, leur projet engendre de longs et laborieux conflits avec les salariés. Avant de prendre des mesures aussi radicales, il est préférable d’envisager des étapes intermédiaire ou transitoires. Ces mesures doivent être progressivement mises en oeuvre. Au Japon, les administrateurs sont censés faire preuve d’une conduite exemplaire. Ceci leur impose de réduire d’abord leurs propres rémunération, voire de reverser leurs bonus à la société. Ce sacrifice est en effet susceptible de créer une atmosphère qui permettra aux cadres de réaliser des réductions de coûts.

Il va sans dire qu’au préalable, les dépenses de fonctionnement de la société auront été examinées et réduites en excluant les dépenses moins inutiles ou somptuaires parmi les frais généraux (déplacements, représentations…). Si nécessaire, il s’agira ensuite de limiter le nombre d’heures supplémentaires conventionnelles, le nombre d’heures travaillées la nuit, et les jours de congés.

Rémunération

Dans le cas où ces efforts s’avèreraient insuffisants, la réduction de la rémunération peut-être envisagée. Ainsi, si les bonus (« Shoyo ») ne sont pas considérés comme faisant partie du salaire (« Chingin ») en vertu d’une convention collective (« Roushi Kyotei »), d’un règlement intérieur (« Shugyo Kisoku ») ou d’un contrat de travail (« Rodo Keyaku »), leur montant peut être réduit. Dans le cas contraire, une réduction éventuelle des bonus est soumise au respect de certaines procédures.

Plus encore, et si nécessaire, une réduction raisonnable du salaire est envisageable après avoir obtenu le consentement des employés, amendé le règlement intérieur ou la convention collective, à condition que le salaire ne tombe pas en deçà du minimum national. De même, il doit bien entendu demeurer moralement acceptable pour les employés afin de permettre le maintien de l’activité de la société. La réduction de salaire est la pratique la plus courante. Conscients des difficultés que leur société peut traverser et de la difficulté prévisible à retrouver un emploi, les employés préfèrent généralement, à l’hypothèse d’un licenciement, accepter une réduction de leur salaire.

Départ volontaire

Les mesures prises par la société peuvent ainsi laisser entrevoir aux employés le risque d’un licenciement. Ceci peut inciter les moins fidèles d’entre eux à quitter volontairement l’entreprise. Aussi, lorsque celle-ci souhaite procéder à des licenciements, les avocats conseillent-ils généralement de procéder à un appel à des départs volontaires (« Kibotaishoku no Boshu ») auprès de l’ensemble des salariés, ce qui réduit réellement le poids des procédures à engager. Dans les petites entreprises, un tel appel comporte le risque de voire des personnes clefs quitter leur poste. Ceci peut désorganiser considérablement l’entreprise. Aussi faut-il envisager, dans ce cas et sous certaines conditions, davantage de démarches individuelles de départ volontaire (« Taishoku Kansho »).

Pour autant, les incitations individuelles au départ volontaire ne peuvent dépasser certaines limites. En effet, une entreprise ne saurait inciter excessivement ses employés à démissionner ni harceler ses employés réticents. La Cour Suprême a en effet invalidé les « démissions volontaires » résultant de méthodes de persuasion excessives, les employés pouvant désormais solliciter des dommages intérêts en invoquant le comportement fautif de leur société (Cour Suprême, décision 10.7.1980).

Dernier recours

Le licenciement intervient en dernier recours. Le licenciement pour raison économique demande la réunion des quatre conditions mentionnées supra. Au demeurant, l’appréciation de la réunion de ces éléments est délicate. Aussi vaut-il mieux consulter un expert, et ceci afin de surmonter les difficultés rencontrées dans le cadre d’une négociation, de procédures de résolution alternative des différends (Alternative Dispute Resolution, « Saibangai Funso Kaiketsu Tetsuzuki ») ou devant les jurisdictions compétentes, ce d’autant plus qu’on ne maîtrise pas le japonais.

Lorsqu’on entend licencier, on souhaite en général éviter d’avoir à mener les procédures laborieuses et délicates évoquées ci-dessus. Il faut plutot mettre en oeuvre des solutions plus rapides. Certaines sociétés envisagent ainsi de mettre en oeuvre une scission ou une fusion acquisition afin de contourner ces procédures. Il y a cependant toujours le risque que le Tribunal invalide ces tentatives. Une société ne peut en effet traverser cette période de crise sans créer un climat de confiance en son sein. Une ferme résolution à sauver l’entreprise et une attitude honnête sont des éléments indispensables à une transition réussie.

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